Vers la fin de l'année 1891, la santé d'Edmond de Goncourt, presque septuagénaire, était très mauvaise: en septembre, il souffrait d'une crise hépatique ; en octobre, d'un rhumatisme intercostal ; au milieu de décembre, d'une fièvre. Le 19 décembre, il consigna dans son Journal les réflexions suivantes : "Ce matin tombe chez moi,envoyé par Daudet, Barié, le bras droit de Potain. Auscultation des plus complètes, où il me dit qu'il y a dans le dos bien des petites choses à gauche, pas tout à fait satisfaisantes, mais que les poumons sont en bon état et qu'il n'y a pas à craindre une fluxion de poitrine." C'est à propos de cette maladie que l'illustre romancier écrivit la lettre que nous reproduisons ci-dessous. A quel ami est-elle adressée ? On est réduit, malheureusement, aux conjectures.
Cher ami,
Mes regrets de ne pas vous avoir serré la main, mais vous avez bien fait de couarder, parce que l'influenza n'a rien de plaisant. Quant à moi, elle se présente sous la forme de la plus belle bronchite, et le médecin, après m'avoir, ce matin, retourné et écouté dans toutes les longitudes et latitudes, m'a dit qu'elle n'avait pas l'apparence mortelle... Ah ! ce déjeuner commandé dans le château des Pilules du Diable, ou que (sic) loge une fatalité comique..., Partez, faites des mois de soleil d'hiver, et revenez-nous des pays extravagants avec le sang d'un vertueux et des observations délicatement faisandées. Je ferai votre commission auprès de Daudet.
Amitiés.
Edmond de Goncourt
Le 21 décembre, le malade écrivit dans son Journal : "Jamais, je crois, je n'ai eu de faiblesse de tête et de corps ressemblant plus aux faiblesses qui précèdent la mort. Cependant, aujourd'hui il y a un peu de mieux." Et, huit jours plus tard : "Voilà tout près d'un mois que je n'ai mis le pied dehors, et je commence à avoir une envie de la marche dans les rues de Paris, du badaudage devant les étalages, de la poussée de certaines portes de marchands."
Article paru le 03 janvier dans Le Figaro
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